La chanteuse de l’incontournable groupe Kassav’ propose avec son ouvrage autobiographique « Loin de l’Amer » (Ed. Le Cherche-midi), un véritable voyage dans son intimité et celle de la spectaculaire formation musicale antillaise, plusieurs fois disques d’or.
Née en 1954 en Martinique, Jocelyne Béroard est bien connue en tant que parolière, interprète et figure féminine de la machine à danser Kassav’. Aujourd’hui, c’est en tant qu’Auteure que nous vous invitons à la découvrir pour vivre de l’intérieur la grande aventure Kassav’ qui perdure depuis 40 ans déjà !
Son style fluide et direct nous transporte tout d’abord dans son enfance martiniquaise, entourée de sa famille sur les hauteurs de Schoelcher. Sa plume dépeint alors, sans artifices, les codes des familles antillaises de l’époque. On comprend que rigueur, fermeté et respect font partie, entre autres, des nombreuses valeurs transmises par une rigide éducation bourgeoise. Elle raconte : « plus que la respectabilité, c’est le respect qui obsède la bourgeoisie antillaise. Les bonnes manières enseignées aux enfants sont destinées à l’obtenir (…) de tout un chacun dans la rue et dans la vie quotidienne. Ce qui s’entend aussi dans notre langue qui recourt à des néologismes tels que « dérespecter ».
Témoignage d’une vie, cette fresque an tan lontan permet de resituer en début d’ouvrage une époque où l’on nie l’esclavage pour l’oublier, ou les maîtres d’école tirent les oreilles et usent de leurs grandes règles pour réprimander les élèves récalcitrants. Un temps ou le créole s’apprend dans la cour de l’école et se parle en cachette. Une période où l’on ne s’autorise pas à penser faire carrière ni dans la musique, ni dans la chanson.
Mais, au fil des pages, la dimension artistique s’installe, notamment lorsqu’à l’heure des études supérieures, son hypothétique destin de pharmacienne sera délaissé pour les Beaux-Arts de Paris. Le grand frère Michel, à ses côtés dans l’hexagone, pianiste reconnu, jouera un rôle important dans les prémices de sa carrière musicale. De rencontres en rencontres, d’expériences en expériences, viendra bientôt le jour du casting pour une toute jeune formation musicale, portant étrangement le nom d’une galette de Manioc…
Novateurs, perfectionnistes, exigeants… toutes les anecdotes sur les créateurs du Zouk y sont décrites avec une précision remarquable, beaucoup d’humour et une émotion intacte.
Chaque individualité de cette famille musicale trouve naturellement sa place à travers les lignes, notamment son compère Jacob Desvarieux (décédé le 30 juillet dernier) avec qui elle partageait une profonde amitié. Ce recueil de plus de 300 pages lui est d’ailleurs dédié, ainsi qu’à Patrick St Eloi, autre figure majeure du groupe également partie trop tôt. Pour le reste… suspense, nous n’en dévoilerons pas plus afin de vous laisser tout le plaisir de découvrir ce récit passionné et captivant, livré avec une remarquable sincérité.