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LE JOURNAL MANUSCRIT DE VICTOR SCHOELCHER ACQUIS PAR UN COUPLE DE MÉCÈNES GUADELOUPÉENS

LE JOURNAL MANUSCRIT DE VICTOR SCHOELCHER ACQUIS PAR UN COUPLE DE MÉCÈNES GUADELOUPÉENS

Le journal manuscrit de Victor Schoelcher acquis par un couple de mécènes Guadeloupéens

Les docteurs Pierre et Corinne Sainte-Luce ont acquis aux enchères un manuscrit d’une grande valeur historique : le journal de l’ancien député Victor Schœlcher qui après numérisation sera mis à disposition du public.

ONAIR- Pierre Sainte-Luce, comment avez-vous su que ce manuscrit serait en vente ?
Pierre Sainte-Luce –
C’est grâce à la Fondation pour la Mémoire de l’Esclavage (FME) dont notre famille est membre fondateur, que nous avons eu connaissance de la vente aux enchères de ce manuscrit à DROUOT. Le 10 novembre 2022, notre fille, Marion, qui vit à Paris, a pu procéder à la montée des enchères alors que nous les suivions au téléphone depuis la Guadeloupe. Nous avons résisté. Vous pouvez imaginer la tension et enfin la joie dès l’acquisition.

OA – A qui appartenait le journal avant cette vente et dans quel état l’avez-vous trouvé ?
PSL
– Le manuscrit appartenait à la société Aristophil. Cette entreprise française – qui n’existe plus – vendait des parts dans la possession de documents du patrimoine écrit. Le document est en très bon état malgré son âge avancé de 153 ans. Il contient environ 170 pages composées de feuillets manuscrits et de collages de coupures de presse.

Légendes : 1. Corine et Pierre Sainte-Luce. Crédit photos : 1. © François-Xavier Peroval.

OA – Que représente-t-il ?
PSL
– Il s’agit du journal personnel de Victor Schoelcher, rédigé pendant les 20 dernières années de sa vie. L’auteur y revient sur son engagement en faveur de l’abolition de l’esclavage dans les colonies françaises et sur sa carrière politique, notamment sous la Seconde République. Il y détaille ses activités et ses rencontres. Outre sa dimension mémorielle, un tel témoignage est une source inédite d’informations sur sa personnalité, sur la vie politique française et sur les rapports noués avec l’outremer au XIXe siècle.

OA – Quelles périodes couvre ce manuscrit ?
PSL
– Il couvre la période de 1870 à 1893. C’est en 1870, que Victor Schoelcher revient en France à la suite de la défaite de Sedan, après de nombreuses années en exil en Angleterre. Après l’abdication de Napoléon III, il est réélu député de la Martinique à l’Assemblée nationale de 1871 à 1875. En décembre 1875, il est élu sénateur inamovible par l’Assemblée nationale jusqu’à sa mort le 25 décembre 1893 à l’âge de 89 ans, à Houilles dans les Yvelines.

OA – Quelle sera la destinée de son manuscrit ?
PSL
– Je crois qu’un journal de cette nature doit être mis à la disposition du public et servir aux travaux des historiens qui ont besoin d’accéder aux sources premières pour bien effectuer leur travail d’analyse. Ce document enrichira aussi un patrimoine documentaire auquel les chercheurs en sciences sociales sont attachés. Nous l’avons présenté au représentant du gouvernement et aux membres du Conseil d’Administration de la FME. Ils vont le porter pour que les historiens s’en emparent. Des contacts ont été pris avec la Sorbonne et l’Université des Antilles et des monstrations seront proposées à des musées à travers le monde, en passant par les mairies des communes où vécut Victor Schoelcher. Après sa numérisation, le manuscrit aura vocation à être en dépôt dans un centre de conservation de la Guadeloupe.

Légendes : 2. Les pages du manuscrit de Victor Shoelcher. Crédit photos : 2. © Famille Sainte-Luce.

OA – Qu’avez-vous ressenti en première ouverture?
PSL
– Tenir ce cahier entre nos mains fut un moment chargé d’émotions en raison de la symbolique que représente son acquisition. Dans les dernières pages du manuscrit, Schoelcher évoque avec pudeur sa maladie, sa fin de vie, une source de recherche supplémentaire. Les cendres de Victor Schoelcher ont été transférées au Panthéon en 1949, à l’initiative de Gaston Monnerville. Cela lui confère un statut de « grand homme de la Nation ».

OA – Comment cette acquisition s’inscrit-elle dans vos champs d’actions et de valeurs ?
PSL
– Notre démarche s’inscrit dans la lignée de nos actions de patrimonialisation matérielle et immatérielle. Nous sommes propriétaires et protecteurs de l’une des habitations les plus anciennes de la Martinique, l’Habitation Fonds Rousseau située dans la ville de Schoelcher. Elle a été le centre de l’activité industrielle du sucre et du rhum de la région depuis 1660 et a exploité des centaines de femmes et d’hommes réduits en esclavage, pendant des siècles. C’est un geste de réconciliation d’une famille antillaise qui s’approprie son histoire. C’est aussi une manifestation autour de la « Famille du Tout-Monde ».

PIERRE SAINTE-LUCE,
MÉDECIN, CHEF D’ENTREPRISE, ÉCRIVAIN ET MÉCÈNE ~

Pierre Sainte-Luce est né le 16 décembre 1956 à Terre-de-Bas aux Saintes dans l’archipel de Guadeloupe. Après avoir exercé dix ans en angiologie, il crée avec son épouse 3 établissements de santé dédiés à la personne fragile puis investit dans l’achat et la réhabilitation de l’Hôtel Arawak situé dans la commune du Gosier. Il est docteur en sociologie et passionné de patrimoine, d’arts et d’histoire. Sa famille possède 2 sites de mémoire datant des XVIIe et XVIIIe siècles : l’habitation Fonds Rousseau en Martinique et la poterie Fidelin à Terre-de-Bas, aux Saintes. Pierre Sainte-Luce est l’auteur de Colored, un roman qui fait l’éloge du métissage culturel. Il a aussi publié plus récemment « Transfiguration » un roman/essai qui offre des clés de compréhension de nos sociétés à travers une épopée humaine. Président des mécènes de la Fondation pour la Mémoire de l’Esclavage, il a été fait Chevalier de la Légion d’Honneur.

Auteur : Agnès Monlouis-Félicité
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