Originaire de Terre de Bas aux Saintes, Pierre Sainte-Luce est multi-dimensionnel. Médecin, entrepreneur et homme de culture, découvrons le parcours singulier de celui qui préside aujourd’hui le Comité des mécènes de la Fondation pour la mémoire de l’esclavage.
Quand il a été reçu au baccalauréat, Pierre Saine-Luce quitte sa Guadeloupe natale pour entreprendre des études de médecine à la faculté historique de Montpellier. Il y rencontre, dès sa deuxième année, celle qui deviendra son épouse : Corinne. C’est en sa compagnie qu’il revient chez lui et exerce en tant que médecin vasculaire quelques années avant de se découvrir une fibre d’entrepreneur. Il (dé)laisse alors son cabinet pour créer et diriger des établissements de santé. Ce ne sera pas sans peine, car il aura fallu qu’il entame une grève de la faim pour dénouer les freins et lourdeurs d’ordre administratif. Mais dès qu’il obtient gain de cause, le succès ne se fait pas attendre.
Chef d’entreprise, il éprouve le besoin de se documenter par les livres dès qu’il entreprend quelque chose de nouveau. Il lit beaucoup sur le management mais veut approfondir : curieux de comprendre son peuple, il fréquente de nouveau les bancs de la faculté et en ressort un doctorat de sociologie en poche. L’homme va vite, court, vole, et bien sûr veut piloter les avions pour pouvoir se déplacer d’île en île ; et là aussi il ne saurait se contenter d’être pilote privé. Il passe ses soirées à étudier l’Instrument flight rules (IFR), ce qui lui permet de voler aux instruments.
Passionné d’histoire et de conservation du patrimoine, il achète d’abord une ancienne poterie, site classé, à Terre de Bas, où ont travaillé et vécu jusqu’à une centaine d’esclaves.
Ensuite, en Martinique, il fait l’acquisition d’une magnifique habitation. Il n’est pas peu fier de figurer parmi les rares afro-descendants à avoir inversé l’histoire de la sorte. Pierre Sainte-Luce est le président des mécènes de la Fondation pour la mémoire de l’esclavage à Paris. Il sait combien la construction et la transmission mémorielle sont nécessaires.
TRANSMETTEUR DE MEMOIRE ET CHANTRE DU TOUT-MONDE ~ A soixante ans, il se met à l’écriture et écrit un « Colored », bientôt publié en anglais. Ce roman est une histoire inventée de sa saga familiale à partir d’une ancêtre venue d’Afrique, Elsa. Il vient de terminer son deuxième ouvrage, « Transfiguration », en hommage à son père décédé de façon tragique. Pierre visite aussi le monde, en véritable ambassadeur de son ile la Guadeloupe. Il n’est jamais vraiment touriste partout où il se rend. Conquérant dans l’âme, il y laisse des traces, des traces de cette culture guadeloupéenne qu’il affectionne par-dessus tout, et il repart rempli de l’autre et de sa différence. Pierre est un fervent disciple de Glissant et de son Tout-Monde. Comme Glissant, il croit en la rencontre des cultures, en la créolisation du monde.
Trois citations de Glissant résonnent parfaitement en lui : « Agis dans ton lieu, pense avec le monde » est la première. C’est là son leitmotiv, la Guadeloupe étant son terrain d’actions mais avec le monde en vue. Une seconde citation – la créolisation est « un mélange inextricable de cultures dont on ne peut prévoir à l’avance les résultantes » – nourrit tout à fait son esprit d’aventure. Enfin, « l’homme occidental et à grande douleur a cessé de croire qu’il est lui-même au centre de ce qui est » reflète vraiment la pensée profonde de Pierre Sainte-Luce qui voit en son île un microcosme du monde, un exemple du tout-monde ou une société multiculturelle qui expérimente le chaos du tout-monde mais surtout sa grande richesse. Il voit en la Guadeloupe un laboratoire à ciel ouvert, un nouveau monde en gestation.
PIGEON VOYAGEUR ~ Pierre Sainte-Luce aime à parcourir le monde avec son épouse Corinne et revenir les bras chargés d’œuvres d’art des pays visités. A Dakar, ils ne manquent pas de se rendre à Gorée et de dévaliser les ateliers d’artistes. De passage à la Barbade, ils font un détour pour rencontrer l’artiste Sheena Rose. Leur collection d’œuvres d’art a pris forme après leur tour du monde il y a quelques années et donne encore plus de sens à leur vision. Elle est le reflet d’une philosophie du Tout-Monde.
Quand son emploi du temps le lui permet, Pierre Sainte-Luce revient à ses amours de jeunesse et pratique le chant lyrique en compagnie du maitre de chant Molière Athalys. En « bon Guadeloupéen », il est passionné de cyclisme : Il participe à la liesse populaire autour du Tour cycliste de la Guadeloupe. Il possède un vélo de course de champion et s’entraine le dimanche.
Qu’est-ce qui fait donc courir Pierre Sainte-Luce ? La grande aventure des relations humaines.
Auteur :Julie Vainqueur / Crédit photo : © Guillaume Aricique