Il y a environ cinquante ans et pour la première fois, l’on glissait debout sur les vagues des Antilles françaises…
La pratique du surf dans les Caraïbes peut se targuer de nombreux atouts : une eau chaude et cristalline, des reef break continûment exposés à la houle et aucune différence d’eau à basse ou haute marée. Ce n’est donc pas un hasard si certains accostèrent un jour ce nouvel eldorado de la discipline, loin du berceau polynésien. À travers les propos de trois pionniers de la glisse, Philippe Cazé, David Blanchard et Antoine Claverie, retour sur les origines de ce sport mythique en Guadeloupe, à Saint-Barthélemy et en Martinique.
DE PETIT-HAVRE AUX CHAMPIONNATS INTERNATIONAUX ~ Né au Maroc, scolarisé à Biarritz au temps où se dressaient sur les vagues basques les premiers surfeurs français; parti tenter sa chance au Salvador et finalement parvenu en Guadeloupe, Philippe Cazé est “le premier à s’être mis à l’eau” et à avoir surfé les vagues de l’archipel dans les années ‘70. “J’ai rapporté deux planches de Puerto Rico (…), et plus tard deux-trois autres de Biarritz — dont une Barland Rott à l’époque – et c’est parti comme ça.” confie-t-il. “Avec François de Corlieu et Patrick Abadie, on a d’abord surfé très longtemps à Petit-Havre (…), avant de développer toute la côte nord : Anse à la Gourde, Le Moule, Anse Bertrand, PortLouis… On a surfé pendant une dizaine d’années sans croiser, pour ainsi dire, personne”, se remémore l’ancien coach. C’est lorsqu’une poignée d’autres surfeurs arrivent dans les années ‘80 que le précurseur appelle à une structuration du surf guadeloupéen et fonde, en 1985, le Karukera Surf Club au Moule et le Reefer Surf Club à Saint-Barthélemy. “Avec ces deux clubs, on a pu créer le comité guadeloupéen de surf ” ajoute Philippe Cazé, alors désigné vice-président de la Fédération Française de Surf pour trois mandats, sous la direction de Jean Saint-Jean puis Alain Farthouat.
Au début des années 90, l’obtention d’un premier titre de champion de France propulse la Guadeloupe dans le circuit professionnel et marque le début d’une longue série de trophées et de champions (Adam, Boyer, Benghozi, de Corlieu, Frager… Pour ne citer qu’eux). “On enchaînait sinon les panaméricaines, qui avaient lieu tous les deux ans (…) Chaque fois, je composais une équipe avec au moins deux surfeurs de Saint-Barth…”
LORIENT, ST. BARTS, F.W.I. ~ “C’était un groupe d’américains qui, je crois, faisait le tour du monde à voilier. À un moment donné, ils se sont arrêtés à Saint-Barth et se sont mis à surfer” rapporte David Blanchard. Au début des années ‘80 et pour la première fois, la fièvre surf gagne le caillou. Depuis la plage de Lorient, fascinés par ces dompteurs de vagues venus d’ailleurs, Jules et André Brin se découvrent une passion future. Se liant d’amitié avec les surfeurs, les deux frères héritent d’une paire de planches : c’est le début du surf-riding à Saint-Barthélemy.
Portée par les frères Brin d’abord puis par le coach et shaper Éric Chaumont, la pratique s’établit peu à peu à Saint-Barthélemy. David Blanchard, l’un des premiers enfants de l’île à surfer en ces temps, reprend au début des années 2000 les rênes de la cabane rouge-jaune-verte de Lorient, le Reefer Surf Club, et permet au caillou de se hisser au plus haut de la compétition internationale. “J’ai formé un jeune qui s’appelle Dimitri Ouvré, qui, à 14 ou 15 ans, a rejoint le pôle France (…) avant de devenir double champion de France, champion d’Europe et champion du monde avec l’équipe nationale”.
Ce n’est qu’un début, puisque David Blanchard continue de former les futurs noms du surf Saint-Barth, avec entre autres les championnes de France Nina Reynal, la championne du monde Tessa Thyssen ou aujourd’hui les neveux du célèbre Mario Lédée, premier Saint-Barth champion de France de surf en 1997.
À LA PLAGE DES SURFEURS ~ En 1979, Antoine Claverie, encore étudiant, débarque en Martinique. Mouillant sa planche pour la première fois au Lorrain, le surfeur fait une rencontre surprenante : “je suis tombé sur des jeunes qui surfaient sur du contreplaqué (une “tott”) : c’était quand même fou” révèle-t-il. “Un ou deux ans après, on n’était alors même pas sept ou huit surfeurs qu’on tombe sur des jeunes du quartier de Beauséjour, qui surfaient déjà, et avec un bon niveau !” Gilles Gautry, Denis M. Desvignes, Danny G. de Viremont, etc… La bande s’agrandit et se donne régulièrement rendez-vous à ce qu’ils baptisent la Plage des Surfeurs (Anse Bonneville). C’est quelques années après que Philippe Cazé, arrivé de Guadeloupe, offre au petit groupe de grossir les rangs de la compétition antillaise.
“On s’est dit alors qu’il était temps de monter le comité martiniquais. Avec Valérie Brasset, François Delanne et Bruno Lehoux, on a fondé le Madinina Surf Club, à la Trinité, puis avec les gars de Basse-Pointe un autre club, un autre encore à Grand-Rivière… On pouvait ainsi prétendre à communiquer avec la FFS” enchaîne le premier Président du Comité Martiniquais de Surf. C’est vers 1998 qu’un certain Christophe Hans Mouginot, surfeur de gros, rejoint la troupe pour monter la première école de surf de l’île et structurer les entraînements du comité. Un comité devenu ligue et qui offrira à la Martinique de nombreux champions, tels que Jérémy Brasset, Justin Delanne, Xavier Canesson, Emma Jacob et tant d’autres….
LE SURF A SON ANCÊTRE EN MARTINIQUE : LE BWA FLO, TECHNIQUE APPORTÉE PAR LES AMÉRINDIENS ET EMPLOYÉE DÈS LE XIXE SIÈCLE PAR LES HABITANTS POUR RAPPORTER LE MATÉRIEL DES NAVIRES ANCRÉS AU LARGE. SE SERVANT D’UN TRONC D’ARBRE COMME D’UN GROS BODYBOARD, S’AGRIPPANT À DES LANIÈRES ET BRAVANT LA HOULE, LE BWA FLO SERA ENSUITE PRATIQUÉ PAR LES PÊCHEURS AVANT DE DEVENIR UN SPORT, DONT LA PRATIQUE PERDURE EN MARTINIQUE, PRINCIPALEMENT À GRAND-RIVIÈRE OU À BASSE-POINTE.
Photographies par Hugo Martin, surfeur et photographe sportif
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Auteur : Olivier Aussedat