Depuis la première partie de l’HIStory World Tour de Michael Jackson À Lausanne en 1997, Stefan Filey a fait du chemin et avec du beau Monde : Barbara Hendricks, Céline Dion, Mariah Carey, George Benson, Johnny Hallyday, Pascal Obispo, Nilda Fernandez, Patricia Kaas, Zaz, Christophe Mae… ONAIR a rencontré le chanteur, pianiste, auteur-compositeur et surtout pépite de la scène Soul.
ONAIR – Stefan Filey, vous venez de sortir le Concept Track “11’22 for Marvin” en hommage aux 50 ans “What’s Going On” de Marvin Gaye. Pourquoi ce choix ?
Stefan Filey – Marvin Gaye me parle. Sa sensibilité me parle. Je sens la filiation. Cet album a pour moi révolutionné la musique contemporaine. Il a eu 50 ans en 2021 et j’ai sorti le medley le 25 décembre 2021. On est dans la culture de la playlist et j’avais envie de sortir un concept à contre-courant. Sa conception aussi est novatrice pour moi. D’habitude je vais en studio mais cette fois j’ai tout fait à la maison : voix rythmiques, claviers, flutes, avec la participation du musicien Allen Hoist. Cette modalité donne une singularité, une signature, une façon différente d’agencer la musique dans l’espace. Je compte en faire un clip avec un medley plus court.
OA – Vous êtes né en région parisienne de parents Antillais. Quelles musiques vous ont bercé durant votre enfance ?
SF – Mon père écoutait Les Aiglons, la Perfecta, Eugène Mona… Tous font partie de mon histoire musicale. Mais la fibre est née surtout de l’éveil spirituel, à travers l’église, par les chants de louange, assez proches de la musique classique et avec des influences américaines pour certains. Otis Redding, Jimi Hendrix et Stevie Wonder m’ont beaucoup inspiré. A l’époque nous avions peu de modèles d’identification : les noirs américains l’étaient. On s’est identifié à leur musique, à leur phrasé. C’est le point de départ de nombreux artistes soul et jazz français. J’écoutais et écoute encore énormément de musique instrumentale. Miles Davis, Bill Evans… Le jazz instrumental est mon lait maternel !
OA – C’est également le fondement du groupe de gospel Sweetness créé en 1992…
SF – En effet, ce fut une belle aventure qui nous a réuni mon frère Rycko et moi ainsi que les frères Battery, des musiciens connus. Nous étions tous originaires des Antilles-Guyane. Nous nous sommes produits pendant huit ans sur des scènes d’Europe et d’ailleurs. La première année, nous avions été élus révélations des Francofolies de la Rochelle. Notre sommet fut notre participation à Lausanne à la première partie de l’HIStory World Tour de Michael Jackson.
OA – Puis est venue l’émancipation…
SF – Oui nous avions des singularités qu’il devenait compliqué d’explorer en tant que groupe… Parallèlement, j’évoluais déjà avec « Absolutely Funk », initialement créé par Canal Plus pour accompagner Les Robins des Bois. Et en 2000, j’ai décidé de me consacrer à ma passion, la musique soul, et d’entreprendre ma carrière solo.
OA -Au départ vous étiez un autodidacte de la musique. Comment avez-vous « musclé » votre don ?
SF – A partir de la vingtaine j’ai fait un coaching vocal avec Lydie Walter et ai suivi des stages avec différents professeurs aux États-Unis. J’ai de plus été 2 ans durant élève de la Bill Evans Piano Academy. Jusque-là, je jouais du piano à l’oreille. Depuis je n’ai cessé de me perfectionner en travaillant ma voix et ma musique au quotidien. Je suis un éternel étudiant !
OA -L’on dit de vous que vous êtes un grand bosseur. Votre travail sur vous même va d’ailleurs au-delà des accords. D’où vous est venue cette approche ?
SF – Adolescent j’étais plus attiré par le sport et pratiquais le basket et l’athlétisme. Ces années m’ont amené la discipline et la rigueur que j’ai encore dans mon travail mais aussi une hygiène de vie spécifique. J’ai un régime alimentaire vegan sans produits laitiers qui peuvent abîmer la voix. Au-delà des bienfaits physiques, c’est une démarche spirituelle. Le corps est un temple et cette philosophe de non-violence envers les animaux me parle. Je sens une différence au niveau « vibratoire ».
OA – Autre artiste qui ne laisse rien au hasard, Christophe Maé, que vous accompagnez depuis 2013 dans de nombreuses tournées…
SF – Oui, Christophe Maé est un grand artiste. C’est un ami qui m’impressionne dans sa volonté, sa détermination, sa capacité de travail pour mener à bien tous ses projets. Il est visionnaire sur sa carrière qu’il voit sur le long terme. C’est aussi un super show man !
OA – Vous avez pu travailler avec de sacrées pointures tout au long de votre carrière. Que génère en vous leur contact ?
SF – L’un de mes premiers chocs fut avec Melonie Daniels, coach vocal de Mariah Carey dont j’ai fait les choeurs au concert de Bercy en 1996. Melonie avait l’oreille absolue et j’étais sans voix. Mariah Carey m’a impressionné aussi, de même que Barbara Hendricks ou Céline Dion sans oublier Richard Smallwood dont mon groupe Sweetness avait fait les premières parties dans les années 90. Certains artistes ont généré en moi des décharges émotionnelles. J’étais parfois abasourdi, sans comprendre ce qui se passait. Mais au-delà de la voix, ils m’ont offert une belle expérience humaine comme Johnny Hallyday dont j’ai été le choriste en 2015. Sur sa tournée « Rester Vivant Tour, j’ai découvert quelqu’un de bienveillant et d’assez timide. Les répétitions se faisaient à Los Angeles. J’ai été impressionné par son professionnalisme et son charisme sur scène et dans la vie.
OA – La transmission a toujours été importante pour vous. Vous avez régulièrement porté de jeunes et moins jeunes talents.
SF – En effet, par exemple quand en 2012 j’étais répétiteur de l’émission Star Academy sur NRJ12 ; émission durant laquelle j’ai aussi accompagné les élèves au piano pendant les primes durant toute la saison. Par ailleurs, je suis coach vocal depuis 2017. Je l’ai récemment été pour les acteurs Tahar Rahim et Adil Dehbi, dans le cadre de la série “The Eddy”.
OA – Comment se porte votre créativité en cette période peu évidente pour les artistes ?
SF – La pandémie m’a paradoxalement permis de me concentrer sur ma créativité. Cela m’a donné encore plus confiance en ma capacité de création. J’ai sorti mon album « La pluie est belle aussi » juste avant le premier confinement le 5 mars 2020. J’ai ensuite entamé une tournée à l’Automne, en première partie des concerts de Christophe Maé. J’ai chanté sur le titre « Brother » d’Amen Viana, un mélange d’afrobeat caribéen. Amen était le guitariste du bassiste Stéphane Castry. J’ai d’ailleurs collaboré sur plusieurs titres dans l’album « Basstry Therapy » de ce dernier. Enfin, j’ai participé à un morceau hommage à Prince, “Musicology”, une chanson de Julie Saury. Deux années riches donc ! Je compose actuellement des chansons pour le prochain album du prodige, multi-instrumentiste et chanteur, Allen Hoist. Je travaille de plus sur un album avec Pierre Grosz connu pour avoir écrit des chansons pour Michel Jonazs, Michel Polnareff, Michel Delpech, Gilbert Bécaud notamment. Et en sortie imminente, le nouveau titre du bassiste Chyco Simeon, une reprise du “Before I let go” de Maze sur laquelle j’ai travaillé.
OA – Que souhaitez-vous pour le futur ?
SF – Rencontrer le saxophoniste Wayne Shorter. Rien que de le voir je serais très ému ! (rires) Plus concrètement, j’ai envie d’être un moteur comme je le suis sur l’album en préparation de Martha High. Je souhaite mettre ma patte, que ce soit dans la réalisation ou la composition. Je veux continuer à m’affirmer et à fertiliser mon terreau créatif. Soit on est des créateurs, soit on est des victimes. J’ai choisi d’être un créateur et je souhaite à chacun d’être le changement qu’il appelle. Il commence par et en nous-même.
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Propos recueillis par : Agnès Monlouis-Félicité