13 fois championne de France, Wendie Renard est une sportive hors pair. Dans son autobiographie, la capitaine de l’Olympique Lyonnais partage une conviction : tout est possible à qui y croit, témoignage à l’appui.
ONAIR : Wendie Renard, dans votre autobiographie, nous vous découvrons avec plaisir et surprise. Vous vous dévoilez peu généralement… Quelle était votre motivation ?
Wendie Renard : En effet, je suis plutôt discrète. Moins on parle de moi et mieux je me porte ! (rires). Après réflexion, je voulais aider les jeunes qui ont envie de faire carrière dans le sport mais qui se heurtent à des difficultés, n’ont pas forcément confiance ou se posent trop de questions. Plus généralement, j’espérais que ce livre puisse aider toutes personnes dans cette situation.
OA : L’un des grands enseignements de votre livre est en effet que tout est possible ou presque, à condition d’y croire et de travailler !
WR : Parfois, on a des idées en tête mais il suffit qu’une personne nous dise que ce n’est pas possible pour qu’on abandonne. Il faut au moins se battre ; croire en ce qu’on est capable de faire. Jeune ou moins jeune, il est important d’avoir conscience de ses capacités. On a tous des qualités mais elles se travaillent : il faut se remettre en question et repousser ses limites pour atteindre nos rêves.
OA : Depuis quand poursuivez-vous le vôtre ?
WR : Je frappais déjà dans le ventre de ma mère (rires). Petite, en Martinique, je baignais dans le sport, à fond dans le ballon. Les rêves se réalisent simplement : ado, on joue des matchs en se prenant pour des joueurs de haut niveau et on se dit : « pourquoi pas moi ? ». Puis on travaille pour y arriver.
OA : Comment vos parents ont-ils réagi à ce dévouement très précoce au football ?
WR : Le foot féminin n’était pas très développé à l’époque. Quand j’ai dit à ma mère qu’un jour elle me verrait comme ces grands joueurs à la télé, elle a rigolé. C’est vrai que c’était difficile à croire mais moi j’y croyais. Je lui ai toujours dit que je porterais ce maillot. Elle ne m’a pas bloquée et ne m’a posé qu’une condition : « tu travailles bien à l’école sinon pas de football ». Cela dit, ça l’arrangeait que je joue : j’avais de l’énergie à canaliser (rires).
OA : Dans votre livre, vous évoquez la disparition brutale de votre père…
WR : … J’avais 8 ans… ça a été difficile. Il était simple, généreux ; il partageait avec les personnes en difficulté même quand il n’avait rien. Il avait son caractère mais était sage et gentil, souriant et taquin. Ces beaux moments passés avec lui restent dans ma mémoire. Il n’est plus là physiquement mais je sais qu’il est encore là…
OA : Fait-il partie de votre étoile ?
WR : Dans mon Etoile, je mets Dieu et mon père. Mon étoile, c’est également la route que le Seigneur a tracée pour moi et que j’ai suivie. Il me démontre tous les jours qu’il veille sur moi. Il me permet de me lever, d’être en bonne santé et de faire ce que j’aime. Je ne cherche à convaincre personne. Ça reste un choix individuel mais en ce qui me concerne, ma foi est ma force, depuis longtemps. Enfant, si je ratais le catéchisme, ma mère ne me laissait pas aller au foot ! (rires)
OA : On voit d’ailleurs, à travers la lecture de ce livre, à quel point votre mère compte…
WR : Ma mère est tout pour moi. C’est une merveilleuse femme avec un beau caractère. Sa vie n’a pas été facile mais elle s’est toujours battue, nous montrant l’exemple. Elle a tout fait pour que nous soyons bien. Je suis fière d’elle et je l’aime. Mes sœurs aussi ont toujours été là pour moi et nous sommes toutes bien dans nos vies. Il y a quelques années je suis partie au Benin. Confronté à la misère, au pire, on se rend compte à quel point on vit bien et on dit merci…
OA : En parlant du pire, quels ont été les pires moments de votre carrière de footballeuse ?
WR : Il y en a eu plusieurs, notamment le but contre mon camp en Coupe du Monde… j’ai ressenti de la honte. Nous avons gagné le match mais ce fut difficile pour moi. J’ai réussi à le dépasser mais ce qui a été dur, ce sont les relents racistes qui ont suivi. Je suis fière de ma couleur mais ces personnes ne se rendent pas compte de la souffrance générée auprès des proches. Ma mère a réagi : « non, je n’ai pas accouché d’un singe comme ils disent ! ». Si leurs enfants étaient ainsi attaqués, comment ces personnes réagiraient- elles ? J’ai choisi de ne leur accorder aucune importance.
OA : Vous êtes très engagée dans la promotion du football féminin. Voyez-vous des avancées ?
WR : A la Coupe du Monde en 2011, nous n’étions pas attendues. Quand nous sommes rentrées, nous avons réalisé qu’il s’était passé quelque chose en France. L’éclosion du foot féminin est partie de là. Depuis, notamment grâce à nos présidentes et présidents qui se sont battus et qui se battent encore comme Jean-Michel Aulas, les choses se sont professionnalisées. A l’Olympique Lyonnais, on a franchi des étapes : ainsi, au début nous n’avions pas de vestiaire attitré, ni de maillot d’entrainement. Aujourd’hui, nous avons nos vestiaires et nos noms sur nos maillots ! Mais du chemin reste à faire dans les Clubs pour que les femmes soient encore plus compétitives.
OA : Quel conseil donneriez- vous aux filles qui veulent pratiquer … et peut-être à leurs parents, parfois réticents ? WR : J’ai fait mes débuts dans une équipe masculine (ndlr : à l’Essor Préchotain). Les parents ont parfois peur d’envoyer leurs filles dans une équipe où il n’y a que des garçons mais c’est une bonne chose. En tant que fille, tu es obligée de te faire respecter, de t’imposer, d’aller plus vite. Ça te fait prendre des années d’avance sur les filles de ton âge.
OA : Plus généralement, que diriez-vous aux jeunes sportifs qui ont des rêves mais qui n’osent pas ?
WR : Qu’il faut y croire, travailler et réaliser que, quel que soit le sport, notre corps est notre outil de travail : on ne peut pas vouloir devenir pro et manger du fastfood tous les jours. C’est une prise de conscience à avoir dès le plus jeune âge, sur l’alimentation et pas seulement : le haut niveau ce n’est pas faire 3 ou 4 dribles, c’est la simplicité, la remise en question, l’humilité, le travail. La technicité ne suffit pas.
OA : Au-delà du football, toute personne a des enseignements à tirer de votre livre…
WR : Dans la vie il faut faire des choix et savoir où on veut aller. Il ne faut pas rester dans le flou ni laisser de place aux regrets. Il faut foncer vers ses rêves car tout est possible : même quand la 1ère porte se ferme, puis la 2ème… à la 3ème tu vas passer l’épaule et à la 4ème tout le corps. On a toutes et tous un destin. Par moment, on peut sortir de la route mais quelque chose nous y ramène, à condition d’y croire.
Propos recueillis par Agnès Monlouis-Félicité